Vous souvenez-vous du projet de loi C-10?

C’était le projet de loi proposé par le gouvernement Trudeau l’an dernier pour soumettre les diffuseurs en ligne (Netflix, Crave, etc.) à la Loi sur la radiodiffusion canadienne. Moi, je m’en rappelle en titi: j’ai participé aux négociations et aux travaux de comité pour faire adopter ce texte législatif qui est finalement mort au feuilleton au déclenchement de l’élection la plus inutile de l’Histoire (merci encore, Justin)!

Le débat est simple, mais fondamental: doit-on réglementer une partie de l’Internet afin que notre culture puisse y rayonner autant qu’elle le fait à la télé?

Les Internets facilitent l’accès à l’information et peuvent être un outil de démocratisation comme nul autre. Le potentiel est là, mais qu’en est-il en réalité? Les effets pervers des réseaux sociaux sont aujourd’hui bien documentés: source de stress et d’anxiété chez les adolescent.es, propagation de désinformation et de théories conspirationnistes, flambée de haine en ligne et américanisation de notre culture.

La Loi sur la radiodiffusion a été implantée pour créer le CRTC dont le but initial était de réglementer le contenu des télécommunications au Canada, de protéger la culture et de sauvegarder l’identité nationale. Que la réglementation actuelle ne soit pas appliquée à la toile numérique ne fait aucun sens et a des conséquences.

Cette loi a renforcé l’idée d’une indépendance culturelle. Avec l’aide du CRTC, nous avons pu développer notre propre industrie culturelle en matière de musique, de radio et de télévision. Avec succès, devrais-je dire. On n’a qu’à penser aux Leloup, Villeneuve, Vallée, Dolan et Cardin, et tous les autres qui étaient rassemblés au gala de l'ADISQ cette fin de semaine.

La loi prévoyait aussi que le gouvernement devait intervenir dans la diffusion de ce contenu. La création de contenu d’ici devait l'emporter sur la diffusion de contenu fait dans d’autres pays. Et c’est tout à fait normal et souhaitable!

Or, puisque l’autorégulation - ou inaction, c’est selon - a jusqu’à présent été la norme quant à l’Internet, on voit les résultats que ça donne. Nos salles de nouvelles se vident parce que les réseaux sociaux attirent les revenus publicitaires qui leur revenaient. Les télédiffuseurs subissent une concurrence déloyale des plateformes en ligne américaines. Nos institutions de financement comme Téléfilm et le Fonds des médias reçoivent moins de cotisations des télédiffuseurs et ne peuvent donc pas octroyer des budgets suffisants pour nos créatrices et créateurs d’ici. Pendant ce temps, notre tissu culturel s’effiloche…

C’est pourquoi il faut absolument trouver un moyen de moderniser cette loi de 1991 afin d’y inclure les réalités d’aujourd’hui. Il faut le faire pour nos artistes, pour conserver les bons emplois dans le secteur et pour notre souveraineté culturelle.

Bien sûr, il faudra le faire en respectant les droits et libertés des utilisateurs et surtout ne pas brimer la liberté d’expression. C’était la crainte principale des opposants à C-10, justement. Cette crainte est légitime, mais un peu galvaudée car la loi ne s’applique pas au contenu généré par les utilisateurs, selon un des articles du projet de loi. Bref, il ne s'agit pas de faire notre meilleure incarnation de Big Brother et regarder ce que tout le monde publie, mais bien de se donner collectivement un mot à dire sur les algorithmes des plateformes en ligne et sur la façon dont ces citoyens corporatifs participeront au rayonnement de notre culture.

Parce que présentement, j’ai pas l’impression qu’il la font rayonner. Au contraire, ils l’étouffent et l’appauvrissent. Et je ne peux pas rester les bras croisés face à ce constat.

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